V.4. L'ellipsoïde géodésique

L'ellipsoïde est une surface géométrique convexe du second degré admettant trois plans de symétrie deux à deux orthogonaux, et trois axes de symétrie deux à deux orthogonaux. Ces trois plans et trois axes se coupent en un même point, le centre de l'ellipsoïde. Un type particulier d'ellipsoïde est celui qui est engendré par la rotation d'une ellipse autour de l'un de ses axes de symétrie, on l'appelle naturellement ellipsoïde de révolution. C'est une figure dont la description mathématique est simple, puisqu'elle ne requiert que deux paramètres, le demi-grand axe {a} et le demi-petit axe {b}, par exemple, ou plus usuellement en géodésie, le demi-grand axe {a} et l'aplatissement {f}.

Equation (E.V.2)

L'ellipsoïde géodésique est un ellipsoïde de révolution, dont les dimensions sont spécifiées au sein d'un système de référence terrestre conventionnel. A cet égard, il convient à présent de clarifier quelque peu certains concepts généraux liés aux systèmes de référence terrestre. Suivant Boucher [1990-b], un système de référence terrestre idéal est une abstraction théorique, définie comme un repère de l'espace affine euclidien de dimension trois. Le repère en question est constitué d'une origine géocentrique et d'une base de vecteurs orthogonaux, mobile avec la Terre, orientée dans le sens direct de manière équatoriale, et de norme isotrope proche de l'unité du Système International.

Un système de référence terrestre conventionnel représente alors la mise en oeuvre du système idéal dans un ensemble spécifique de données et de méthodes d'analyse. Il comprend le choix des constantes, des algorithmes de calcul, et des modèles géophysiques et physiques, notamment cinématiques et relativistes [Boucher, 1990-a], qui contribuent à sa réalisation.

Le système de référence terrestre idéal est enfin réalisé matériellement par un repère de référence terrestre conventionnel. Il s'agit d'un ensemble de points avec leurs coordonnées respectives, déterminées en accord avec les éléments du système conventionnel considéré. On distingue traditionnellement deux types de repères conventionnels: les réseaux au sol de marques géodésiques et de stations de poursuite, et les éphémérides de satellites.

Plusieurs systèmes de coordonnées peuvent être adoptés. Toutefois, la forme de la Terre étant proche de celle d'un ellipsoïde de révolution aplati aux pôles, il est pratique de choisir le système de coordonnées géographique. La latitude et la longitude sont définies en projetant le point de l'espace sur l'ellipsoïde de référence spécifié. La distance du point à cet ellipsoïde est appelée hauteur ellipsoïdale. L'ellipsoïde est en outre défini en accord avec le système de référence terrestre: son centre coïncide avec l'origine du système et son axe de révolution est confondu avec l'axe de rotation de la Terre, ou axe des pôles.

Figure 71 : Liste de quelques ellipsoïdes géodésiques.
Nom a (en m) 1/f
Ellipsoïde des Poids et Mesures 1799 6375739.0 334.29
Airy 1830 6377563.396 299.3249646
Everest 1830 6377276.345 300.8017
Bessel 1841 6377397.155 299.1528128
Clarke 1866 6378206.4 294.9786982
Clarke 1880 6378249.2 293.466021
Clarke 1880 (anglais) 6378249.145 293.465
Hayford (International) 1924 6378388.0 297.0
Krassowsky 1940 6378245.0 298.3
Hough 1956 6378270.0 297.0
Fischer 1960 6378166.0 298.3
WGS 1960 6378165.0 298.3
WGS 1966 6378145.0 298.25
GRS 1967 6378160.0 298.247167427
Fischer 1968 6378150.0 298.3
South American 1969 6378160.0 298.25
WGS 1972 6378135.0 298.26
GRS 1975 6378140.0 298.257
GRS 1980 6378137.0 298.257222101
WGS 1984 6378137.0 298.257223563


Les ellipsoïdes géodésiques courants sont identifiés par leurs dimensions; par un nom, souvent celui du géodésien qui les a déterminées; et par l'année de la détermination. L'objet étant de décrire la forme de la terre, les dimensions de l'ellipsoïde sont déterminées de façon à approcher au mieux la surface terrestre. Aussi, l'ellipsoïde de révolution est considéré comme un modèle de Terre simple, en l'occurrence de nature géométrique, à la différence du géoïde qui serait un modèle physique de Terre. La figure 71 donne la liste de quelques ellipsoïdes géodésiques célèbres.

V.5. Autres surfaces de référence verticale

Une référence verticale courante en marégraphie est le zéro hydrographique. Il est défini suivant une recommandation du Bureau Hydrographique International (BHI) de sorte que le niveau de la mer se trouve rarement en dessous. Les sondages bathymétriques des cartes marines sont comptés positivement vers le nadir à partir du zéro hydrographique, et les hauteurs d'eau fournies par l'annuaire des marées positivement vers le zénith à partir de ce même zéro, connu aussi sous le nom de zéro des cartes. La profondeur est alors déduite en ajoutant le sondage à la hauteur d'eau en un lieu et à un instant donnés. De fait, la définition du BHI donne toute latitude à l'interprétation. Aussi, en France le zéro hydrographique est le niveau théorique des plus basses mers astronomiques [SHOM, 1979]. En Allemagne, c'est le niveau des basses mers moyennes de vive-eau. Aux Pays-Bas, c'est la moyenne des plus basses mers de vive-eau de chaque mois. Etc.

Malgré le choix d'une définition conventionnelle précise, force est de constater que souvent le zéro hydrographique s'écarte en pratique de sa position théorique. Les raisons sont multiples. D'une part, les régimes de marée et les effets d'origine météorologique et océanographique sont différents d'un lieu à l'autre du littoral français. D'autre part, les moyens techniques n'ont pas toujours été de qualité suffisante pour permettre des déterminations précises du niveau des plus basses mers. De plus, les hydrographes conscients de ces incertitudes ont adopté par sécurité un zéro volontairement sous leurs déterminations. Le zéro hydrographique est, par suite, associé à une zone maritime restreinte, appelée zone de marée, et à un port de référence. Ce port de référence comprend un marégraphe permanent dont les observations ont servi à déterminer le zéro hydrographique par rapport à un ensemble de repères matériels, et permettent d'établir une relation de concordance avec chaque point de la zone de marée.

Outre cet aspect variable dans l'espace, notons le besoin récent de changer les zéros hydrographiques à Brest et à Saint-Nazaire, déterminés dans le passé. Les raisons motivant ces changements sont toutefois différentes pour chacun. Dans le cas de Brest, le zéro hydrographique s'est retrouvé, environ deux siècles après son établissement, à soixante-dix centimètres sous le niveau théorique: une valeur jugée inacceptable pour des raisons économiques évidentes de navigation, dragage, construction de polders, etc. Dans le cas de Saint-Nazaire, c'est la sécurité qui a décidé le SHOM à réviser le zéro hydrographique. En effet, une modification récente du régime des marées a porté le niveau théorique des plus basses mers à quarante centimètres sous le zéro établi dans le passé [SHOM, 1994].

Parmi les autres surfaces de référence verticale usuelles, nous citerons enfin les surfaces topographiques. Elles décrivent le relief de l'interface entre la terre solide et l'atmosphère, ou les océans. On parle de topographie terrestre pour les terres émergées, et marine pour le fond des mers. Il convient ici de ne pas confondre cette dernière avec la topographie dynamique de la mer qui se rapporte à la surface de mer et que nous avons défini précédemment. La topographie d'un lieu, d'un terrain ou d'un pays est souvent donnée sous forme de modèles numériques de terrain.

V.6. Relations entre les références verticales

Les surfaces d'altitude zéro des réseaux de nivellement nationaux sont a priori cohérentes au niveau d'un ou deux mètres en raison de l'origine de chacune, fixée au niveau moyen de la mer, et des effets systématiques d'observation. Le niveau moyen de la mer est calculé à partir des enregistrements d'un marégraphe côtier sur un intervalle de temps donné, le plus long possible, pour approcher au mieux le géoïde. Toutefois, même en observant le suffisamment longtemps pour éliminer les composantes de basse fréquence de la marée, le niveau moyen de la mer ainsi calculé peut encore s'écarter du géoïde à cause de phénomènes physiques locaux, d'origine météorologique ou océanique, à très longue échelle de temps, interdécennale et plus.

De même qu'il y a un siècle et demi, du temps de Paul-Adrien Bourdaloue, on constatait que la variété des systèmes d'altitude régionaux était une source permanente de confusions et d'erreurs aux conséquences techniques et économiques parfois lourdes, aujourd'hui, s'affirme le besoin d'une cohérence mondiale entre les références verticales à usage maritime et terrestre. L'idée est de mettre à profit les données d'origines diverses, associées aux surfaces de référence verticale, afin de réaliser un système d'altitude mondial de la meilleure qualité possible. La figure 72 schématise l'approche conceptuelle de l'unification des références verticales. Elle montre les grandeurs et les techniques mises à contribution. Le travail de comparaison et de combinaison de ces données hétérogènes permet de mieux étudier les caractéristiques sous-jacentes à chaque référence verticale et les relations les liant; plus spécifiquement, de connaître les écarts entre réseaux de nivellement, avec la possibilité de détecter, voire de supprimer, des erreurs systématiques. Par ailleurs, les références verticales présentant des caractéristiques variables dans les domaines spatial et temporel, il convient de les exprimer dans un système de référence terrestre mondial où leur variabilité peut être décrite.

Figure 72 : Approche conceptuelle de l'unification des références verticales. Schéma inspiré du cours de Boucher [1995], il illustre les grandeurs et les techniques mises à contribution.



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  • Guy Woppelmann
    Last modified: Tue Dec 22 14:11:18 MET 1998